jeudi 19 novembre 2009

Eclatement de l'affaire le 11 Novembre 2003

Un tradipraticien améliore le confort de Pev/Vih : La face cachée d’un dossier

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L’ex-ministre de la Santé Awa Marie Coll Seck a laissé un dossier qui fait du bruit. (Photo: Le Quotidien)

Le limogeage du ministre de la Santé et de la Prévention, le Pr Awa Marie Coll Seck serait-il lié à une autre raison que celle jusque-là connue et avouée par elle-même, à savoir qu’elle a fait les frais de sa neutralité politique ? Des sources proches d’un dossier sur les résultats à base de plantes sur des personnes vivant avec le Vih/Sida par un tradipraticien sénégalais soupçonnent que ce dossier, qui a atterri à la présidence de la République, figure parmi les séries causales de sa non-reconduction dans le deuxième gouvernement du Premier ministre Idrissa Seck. A l’insu de l’ex-ministre de la Santé ? Voici, en tout cas, la face cachée d’un dossier inconnu du grand public…

Quelque part dans les tiroirs du ministère de la Santé et de la Prévention, de certains services sanitaires et autres laboratoires sénégalais, circule un dossier victime d’une sorte d’omerta sur fond d’enjeux à la fois scientifiques, politiques et financiers. Ce dossier contient ce que l’un de nos interlocuteurs proches des milieux sanitaires sénégalais appelle «une découverte révolutionnaire dans le traitement des Pev/Vih» (Personnes vivant avec le Vih/Sida).

Tout a commencé vraiment vers le début de l’année 2002, quand le Pr Seydouba Konaté, accompagné de LD, a été reçu en audience par Madame Eva Coll Seck. L’objet de cette audience était un dossier dans lequel il est fait état de «l’évolution clinique extraordinaire de six personnes vivant avec le Vih (Pv/Vih) qui avaient suivi un nouveau traitement inventé par LD». Le ministre de la Santé, le Pr Awa Marie Coll Seck avait alors transmis le dossier au Pr Salif Sow du service des maladies infectieuses du Chu de Fann, nous informe une source proche des services sanitaires. Une information confirmée par l’ex-ministre de la Santé et de la Prévention, Awa Marie Coll Seck.

«Il y a environ huit mois, le Pr Seydou Ba était venu me voir avec le monsieur en question, je les ai reçus pour leur dire que c’est très bien parce que nos parents se sont toujours soignés avec des plantes. Je leur dis qu’il fallait toujours continuer les recherches, d’aller à Fann pour l’expérimentation, et de s’occuper d’un protocole avec un Comité d’éthique qui voit tous les projets, parce que, quand même on ne peut pas se permettre de donner des médicaments comme ça à des personnes.» Ces propos, que nous avons recueillis auprès de l’ancien ministre de la Santé et de la Prévention, s’ils sont assortis de quelque prudence scientifique, n’en établissent pas moins l’existence du dossier qui lui a été soumis au cours d’une audience.

Des essais pré-cliniques ont été organisés sous la houlette du Pr Pierre Bassène, laborantin du Chu de Fann (voir encadré). Ces essais avaient pour but de déterminer la toxicité du produit ; en d’autres termes, de voir si l’être humain peut le prendre sans danger, ainsi que son impact sur le virus du Sida.

Certaines sources proches du milieu médical soutiennent que «les résultats des essais pré-cliniques ont été très satisfaisants.» Elles établissent que des essais cliniques ont concerné cinq personnes vivant avec le Vih/Sida du service des maladies infectieuses du Chu de Fann durant les mois de juillet et août 2002. De quoi susciter donc l’intérêt de l’Ird, un des principaux fournisseurs d’antirétroviraux pour l’hôpital de Fann. Selon une source très au fait du dossier, plusieurs services agissant dans ce domaine ont été alertés par «les révolutions cliniques des cinq malades» suivis mensuellement.

«L’Institut Pasteur aussi a été alerté par des Pv/Vih du groupe du Pr Konaté qui ont fait des analyses dans leur laboratoire», indique la même source. Mais joint au téléphone, le 29 octobre 2003, à 15 heures, la secrétaire de M. Perrin du Laboratoire de l’Institut Pasteur nous signifie que ce dernier n’aimerait pas nous parler au téléphone. «Alors, demandez-lui, s’il peut me fixer rendez-vous alors.» Quelques minutes plus tard, la secrétaire, Mme Rose Assogba, nous apprend que M. Perrin ne souhaite répondre sur ce dossier.

Cette attitude semble confirmer une information de notre source pour qui, «à l’issue de ces essais, le ministre de la Santé n’a pas voulu fournir les résultats, ni à l’inventeur ni à ses conseillers, mais voulait organiser d’autres essais sur un groupe de 60 Pev/Vih». Il semblerait alors que le conseil défendant les intérêts du tradipraticien aurait refusé cette deuxième phase d’essais qui ne revêtait aucun cachet officiel. Notre interlocuteur fait dans une plus grande précision en parlant de l’élaboration d’un document intitulé : «Ce que le Sénégal risque de perdre : l’affaire Ld». Plus précise encore, elle déclare que «ce document a été transmis durant le mois de février 2003 à la présidence de la République et retraçait les péripéties de cette affaire depuis que le ministère a été saisi», non sans faire «ressortir les risques que court le gouvernement du Sénégal devant les puissances étrangères, particulièrement la France». Comme pour soupçonner le puissant lobby du Sida-business derrière cette affaire. En haut lieu donc, il aurait été décidé durant le mois d’avril d’instruire le dossier devant un Comité d’éthique, à charge pour celui-ci de rendre un rapport sur les essais réalisés par le Chu de Fann.

Interrogée sur l’atterrissage de ce dossier à la présidence, l’ex-ministre de la Santé et de la Prévention, le Pr Awa Marie Coll Seck affirme n’en avoir pas eu connaissance jusqu’à sa sortie récente du gouvernement. Elle a tenu tout simplement à faire certaines précisions. Elle soutient avoir juste à son niveau «indiqué la démarche à suivre en mettant», à l’issue d’une audience, «le Pr Seydouba Konaté en compagnie du tradipraticien, avec les techniciens, parce que c’est un problème technique».

L’ex-ministre de la Santé déclare ainsi les avoir envoyés auprès du Pr Salif Sow, du service des maladies infectieuses de Fann. Elle note toutefois que «le Pr Konaté a été impressionné parce qu’il a vu à Fann». C’est pour ensuite, en tant que spécialiste, plaider pour un «nécessaire recul», instruite elle-même par les résultats qu’elle avait elle-même «obtenus auprès de malades du Sida qui ont mis dix ans avant de mourir». «Il faut être extrêmement prudent. Il faut faire des analyses très scientifiques. Il y a quelque chose sans doute avec les tradipraticiens, mais il faut un nombre de malades très élevés sur une longue période», explique l’ex-ministre de la Santé. Pour la suite du dossier, elle n’en a pas été informée jusqu’au moment où elle a quitté son poste dans le gouvernement.

De quoi alors aller chercher du côté du ministère de la Santé et de la prévention pour savoir où est le dossier hérité de l’ancienne équipe. Là, le Cabinet du ministre nous renvoie auprès de Samba Cor Sarr, que secrétaire du Conseil national de recherches en santé qui héberge le Comité d’éthique qui devait plancher sur le dossier.

Samba Cor Sarr confirme que «ce dossier a été effectivement examiné en Conseil d’éthique le 27 avril 2003 et que les conclusions ont été transmises au Pr Salif Sow du service des maladies infectieuses». Le Comité d’éthique a demandé, selon lui, «des informations complémentaires sur la méthodologie, surtout la randomisation, la constitution du groupe et l’échantillon».

Il s’agit alors pour le Comité d’éthique d’avoir plus de précisions sur les résultats des dosages faits par les Pr Emmanuel Bassène et Faye du laboratoire de Fann. Cela d’autant plus, aux dires de Samba Cor Sarr, que ceux-ci «ont tout simplement fait des esquisses. D’autres demandes ont été faites, touchant la dimension éthique». «Il a été demandé d’intégrer les mêmes considérations éthiques qui sont l’ISAARV (système de traitement anti-rétroviral expérimenté au Sénégal) et dont le principe éthique a déjà été validé».

Le secrétaire du Conseil national de recherches en santé parle aussi de demandes formulées pour la réception d’«informations complémentaires». Est-ce que ce dossier est bien dans les bureaux de la présidence de la République ? «Je ne sais pas. Nous avons reçu le dossier par l’entremise du Pr Sow. Il a été programmé le 27 août et ce sont là les conclusions qui en sont sorties. Nous n’avons pas d’informations sur le circuit», soutient Samba Cor Sarr.

Les propos d’une source proche du dossier semblent établir que l’instruction de l’affaire par un Comité d’éthique viendrait de la présidence de la République. «Le rapport, dit-elle, est sorti trois jours avant la démission de Idrissa Seck et de son gouvernement et Awa Marie Coll Seck n’a pas été rappelé.»

A tort ou à raison, notre interlocuteur lie la sortie de Mme le ministre de la Santé à cette affaire, alors que jusque-là, sur la foi de l’aveu de celle-ci, sa non-reconduction tient à sa non-appartenance politique.

Puis, notre interlocuteur décidément peu convaincu de la seule thèse du non-engagement politique de l’ex-ministre, se demande si «le président Wade n’a pas mal supporté que Mme Ewa Coll ait décidé de ne pas l’informer de cette grande découverte et s’il n’a pas profité de la démission du gouvernement pour écarter cette forte personnalité, qui, de par son expérience dans le monde médical, allait l’empêcher de devenir la vedette dirigeant en maître absolu cette affaire .»

Des informations à confirmer ou à infirmer font état de la transmission des résultats de la découverte du tradipraticien «à l’Oms et au Cnrs pour débuter des études et des tests à l’échelle mondiale». En tout cas, le constat de notre interlocuteur est que «depuis sa nomination, le nouveau ministre de la Santé suit Wade dans tous ses déplacements, en Afrique du Sud, à New York où le président a eu des séances de travail avec le secrétaire général de l’Oms, au Japon et en France».

Il faut préciser que nous avons vainement tenté de joindre le Pr Salif Sow, ainsi que le Pr Seydouba Konaté, aujourd’hui à la retraite et qui serait établi quelque part à Grand-Dakar où nous nous sommes rendus sans pouvoir le localiser. Nous ne désespérons d’avoir leur lumière sur cette affaire

Soro DIOP

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